Cuillère en bois de Merisier (Prunus avium)

Les montagnes du Haut Beaujolais sont couvertes de merisiers. Bon, ce n’est pas encore le Japon, mais c’est fort agréable pour qui prend le temps de regarder. Ce que je ne manque pas de faire ! Au lieu-dit La cabane des chasseurs, au dessus du village de Juliénas, grand cru du Beaujolais, j’ai taillé cette cuillère en bois de merisier. Un bois très agréable à sculpter, très équilibré, avec une bonne densité, un grain fin, une belle variété de teintes marquées de cernes plus sombres qui soulignent joliment les courbes de cette cuillère.


Dans la famille Rosaceae, je demande…

cuilleres-en-bois.fr-cuillere-bois-merisierCette cuillère en bois de Merisier est la 26e sculptée pour mon défi consistant à tailler autant de cuillères différentes qu’il y a d’essences d’arbres répertoriées dans la flore forestière française.

Le Merisier appartient à la famille des Rosacées, très grande famille botanique qui réunit environ 3370 espèces réparties en un peu plus d’une centaine de genres, dont le genre Prunus. Au sein de ce genre, je dois sculpter plusieurs essences :


Les cerisiers au Japon, une longue histoire d’amour

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Prendre le temps de contempler la beauté des fleurs

Montagne de cerisier au japonLe hanami (littéralement, regarder les fleurs) est la coutume traditionnelle japonaise d’apprécier la beauté des fleurs, principalement les fleurs de cerisier (sakura), lorsqu’à partir de fin mars ou début avril elles entrent en pleine floraison.

La pratique du hanami est vieille de plusieurs siècles. On considère que la coutume aurait commencé durant la période Nara (710-784) à l’époque où la dynastie chinoise Tang a fortement influencé le Japon, entre autres en apportant la coutume d’apprécier les fleurs. Cependant, c’était les fleurs d’ume (abricotier du Japon) que les gens admiraient à cette époque, et ce n’est que durant la période Heian que les sakura ont commencé à attirer plus d’attention.

Anthologie de poésie japonaise datant de 760, le Man’yôshû, le Recueil des dix mille feuilles, est la plus ancienne trace écrite mentionnant le hanami de sakura, à travers 43 poèmes.

Jacques Brosse [ livre Les arbres de France ] explique la fleur du cerisier, fragile et éphémère, symbolise la précarité de nos existences terrestres dont il faudra se détacher un jour, et que la cerise, de couleur rouge sang, est  quant à elle devenu l’emblème du samouraï, toujours prêt à sacrifier sa vie.

Un regard, mille arbres

sakura-cerisiers-japon-100-petalesLa bannière ci-dessus illustre le site de Yoshinoyama, à Nara, qui est le lieu où les cerisiers poussent en plus grand nombre au Japon : on en compte pas moins de 30 000 ! Un des flancs de la montagne a même été surnommé Un regard, mille arbres, en japonais Hitome senbon.

De nos jours, le hanami est l’occasion pour les japonnais de déjeuner, discuter, chanter et boire sous les cerisiers en fleur. Cette coutume est au printemps ce que momijigari, l’observation de kōyō (le changement de couleur des feuilles), est à l’automne.

Le plus vieux cerisier du Japon

cerisier-japon-takizakuraLe cerisier Jindaizakura (cerisier des générations divines, en japonais), visible au temple Jissô, dans la préfecture de Yamanashi, a dépassé les 2000 printemps ! C’est le cerisier le plus vieux du Japon. On dit qu’il a été planté par le prince légendaire Takeru Yamato (72-114) de la dynastie Yamato. Il a deux autres cousins : le Miharu Takizaku de plus de 1 000 ans (préfecture de Fukushima, photo ci-contre) et l’Usuzumizakura de 1 500 ans (préfecture de Gifu).

Au Japon, il existe plus de 600 variétés de cerisiers, se divisant en 8 grandes familles. Le cerisier yoshino (someiyoshino) est le plus commun et le plus populaire de tous. La plupart des cerisiers sauvages et hybrides donnent des fleurs à cinq pétales, mais certaines variétés donnent des fleurs de plus de 20 pétales, comme par exemple le cerisier kikuzakura aux 100 pétales


Les merisiers remarquables

le plus vieux merisier en europeLe site Monumentaltrees référence de nombreux merisiers exceptionnels en Europe. Parmi ceux-ci, citons :


Connaitre et reconnaitre le Merisier

Étymologie

Merisier - Prunus aviumHenriette Walter et Pierre Avenas [ livre La majestueuse histoire du nom des arbres ] explique qu’il n’y a qu’en France qu’on utilise deux noms différents pour le cerisier et le merisier. Le grec Kerasos, désignation du cerisier sauvage par Théophraste au IVe siècle avant J.-C., est à l’origine des désignations des deux essences dans la plupart des langues européennes : le merisier y est ainsi souvent et simplement nommé cerisier sauvage. Merisier est formé sur le nom du fruit, la merise, dérivé de l’adjectif amer : amer > amerise > merise. La merise étant une petite cerise au goût amer. Comme celle-ci est très appréciée des oiseaux, Linné a ainsi nommé l’espèce Prunus avium, du latin avis, oiseau. Cerisier des oiseaux, cerisier sauvage, mais aussi cerisier des bois sont les autres dénominations vernaculaires du Merisier.

Distribution

Planche de botanique - Merisier

Le Merisier croit dans les bois, en plaine et dans les collines de toute la France, tout en se raréfiant dans le sud de la France et en Corse ou il poussera à plus haute altitude. Il est présent dans une grande partie de l’Europe, mais aussi en Asie occidentale et en Afrique du Nord.

Avec le Cerisier acide (Prunus cerasus), le Merisier est à l’origine des variétés actuellement cultivées : les Guignes et les Bigarreaux. La culture du merisier pour ses fruits remonterait au IVe siècle avant notre ère, d’après les traces archéologiques trouvées en Asie Mineure (Caucase, Anatolie). Les premières cultures seraient grecques puis romaines. Avant d’être cultivées, les merises sauvages étaient récoltées, comme l’attestent les noyaux trouvés sur des sites néolithiques et de l’âge du bronze, en Europe centrale.

Identification

MeriseLe merisier est un grand arbre à fût droit, à croissance rapide, qui atteint 15 à 25 m de haut et 1,50 à 2 mètres de circonférence. Il vit environ 100 ans, très rarement plus. Un des principaux critères d’identification est son écorce fine qui a tendance à s’exfolier en lanières satinées, gris rougeâtre à brun rougeâtre, marquées de lenticelles horizontales. Ses fleurs blanches, abondantes, pédonculées, sont disposées en petits bouquets latéraux qui naissent de bourgeons dont les écailles intérieures ne deviennent presque jamais semblables à des feuilles. La floraison a lieu aux mois d’avril-mai, juste avant la feuillaison. Ses fruits charnus (merises) ont une chair sucrée mais qui peut être amère, sans être acide. Les merises sont généralement rouge clair à rouge foncé, mais des fruits très pâles, roses ou blanchâtres sont observables.


Le bois et les usages

bois-de-merisierQue dit la Flore forestière française à propos du bois du Merisier ? Que c’est un bois très recherché, aux cernes soulignés par une concentration de vaisseaux au début de l’accroissement ; duramen distinct jaune rosâtre (sol argileux) ou brun rosâtre (sol calcaire) ; densité moyenne à forte, bois facile à travailler, qui se polit et se courbe bien.

Wikipedia : C’est une essence forestière recherchée pour la valeur commerciale de son bois (…) parfois utilisé en placage pour remplacer l’acajou ou d’autres bois précieux. Il est recherché en ameublement, tant en massif qu’en placages (…) Le merisier, comme tous les arbres fruitiers, offre un bois ayant de bonnes propriétés mécaniques (résistance à la compression, traction ou flexion) ; néanmoins, il présente un retrait moyen au séchage et peut être quelques fois assez nerveux.

Pierre Lieutaghi [ Le livre des arbres, arbrisseaux et arbustes ] précise que le bois et jaune rougeâtre à brun rougeâtre clair quand l’arbre est jeune, puis rouge brunâtre chez l’arbre âgé, veiné, luisant et légèrement maillé. Si l’auteur confirme la description de Wikipedia, il indique par contre un retrait faible au séchage. Il précise que le bois s’altère à l’humidité et n’est donc employer que pour des usages intérieurs.


Approche ethnobotanique du Merisier

Usages alimentaires

La soupe des charbonniers

On sait que les merises sont consommées au moins depuis le néolithique, comme des fouilles archéologiques ont pu le démontrer. Jusqu’au XVIIe siècle, c’était la cerise des pauvres. Les merisiers étaient alors très répandus dans les bois car leur coupe était interdite : l’arbre aidait les pauvres à survivre. Les charbonniers en préparaient également une soupe, plat populaire dans toute l’Europe centrale, préparée tel que l’indique Pierre Lieutaghi : c’est-à-dire du pain bouilli dans de l’eau avec des merises sèches et un peu de beurre (…) Les paysans récoltaient les fruits à la saison, les faisaient sécher au soleil et, pendant l’hiver les accommodaient de diverses manières, souvent en soupes ou en compotes.

Le kirsch

kirsch-de-fougerolles-etiquetteWikipedia indique que le Kirsch (de l’allemand Kirschewasser, eau (de vie) de cerise), est une eau-de-vie obtenue par simple ou double distillation de cerises fermentées, pulpes, jus et noyaux. Pierre Lieutaghi précise le mode de fabrication  : le produit de la distillation du vin de merises, préparé avec les fruits écrasés et mis à fermenter comme le raisin, passé à l’alambic en y ajoutant des noyaux de merises concassés qui, par une savante chimie, contribuent au goût très délicat de cet alcool.

L’auteur indique que cet alcool est originaire de Haute-Saône, d’un village bien-nommé Clairegoutte ! Le Kirsch de Fougerolles, dans ce département, bénéficie depuis 2009 d’une AOP : la première eau-de-vie de fruits à noyau à obtenir une appellation d’origine contrôlée en France. Du Kirsch est également produit en Alsace, en Allemagne et en Suisse, dans les cantons de Berne et de Bâle.

Notons également qu’au Royaune-Uni est confectionné le Cherry brandy, une liqueur élaborée à partir de cerises macérées dans de l’eau-de-vie.

Autres usages

Le merisier est utilisé comme porte-greffe mais aussi en protection des espèces cultivées. Comme son nom l’indique le cerisier des oiseaux les attirent particulièrement (merles, grives…), de plus sa production est légèrement plus précoce que celle des espèces cultivées, aussi il est utile de planter un merisier dans le secteur d’un cerisier cultivé pour que les oiseaux s’en repaissent aisément laissant ainsi la production de l’espèce greffée tranquille.

Pierre Lieutaghi indique également un autre usage : de la vannerie à partir de l’écorce découpée en lanières.

 

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