Cuillère en bois de Charme commun (Carpinus betulus)
Un bois de belle densité, proche du Bouleau pubescent, à peine moins dur que l’If et le Buis (1). Cette cuillère en bois de Charme fut très agréable à travailler. Le bois est sans piège, d’une grande résistance et d’une belle souplesse. Ces qualités permettent d’affiner la sculpture sans crainte. Le poli est légèrement moins fin que sur les essences sus-citées mais très agréable pour autant. Joli veinage léger, progressif, qui apporte de jolies nuances sur le bois blanc crème de cette cuillère.
Je me suis inspiré de ces précédentes cuillères pour cette cuillère sculptée en bois de Charme. Le manche est très fin et vient s’intégrer dans le prolongement bas du cuilleron. Ce dernier est très allongé, d’influence japonaise. Le bout du manche est large pour équilibrer le poids et le volume du cuilleron. Cuillère réalisée à partir d’une belle branche donnée par Bertrand, un mosellan (ancien bucheron) qui ne manque pas de charme (dans son atelier) 😉
(1) un mètre cube de bois de charme pèse 800 kilos, alors que le même volume de platane n’en pèse que la moitié.
Le charme des maîtres charbonniers
Connaitre et reconnaitre le Charme commun
Les charmes constituent un genre d’arbres et d’arbustes de la famille des Bétulacées. Le genre Carpinus compte une trentaine d’espèces originaires des régions tempérées de l’hémisphère nord, principalement de l’Extrême-Orient et notamment de la Chine. Une seule espèce est d’origine nord-américaine (Charme d’Amérique) et deux sont européennes (Charme commun et Charme d’Orient).
Le mot charme, attesté au début du XIIe siècle, est issu du nom latin carpinus de l’arbre. Betulus marque la proximité entre le charme et le bouleau. Charmille, le diminutif de charme, nommait au XVIIe siècle la pépinière de charmes puis, au XVIIIe, la haie de charmes, son sens actuel.
Les charmes sont des arbres pouvant mesurer jusqu’à 25 mètres, à feuilles marcescentes (seule la pousse des feuilles de l’année suivante détache les anciennes feuilles mortes), alternes, petites (de 3 à 10 cm de long), simples, avec le bord du limbe finement denté. L’écorce de l’arbre est foncée et souvent grise, quelquefois marron, avec des taches blanches. Le tronc et les plus grosses branches sont parcourus de cannelures hélicoïdales. Les fleurs sont regroupées en inflorescences, en forme de chatons pendants, pollinisées par le vent. Les fleurs mâles et femelles se trouvent sur des chatons distincts mais les deux sexes sont présents sur chaque arbre. Les fruits sont des akènes ligneux de 3 à 6 mm de long, attachés à une bractée en forme de feuille simple ou trilobée qui forme une aile favorisant leur dispersion.
Le charme d’Adam, c’est d’être à poil !
Le feuillage du charme ressemble un peu à celui du hêtre, sauf que le premier a des feuilles à bord denté et le second des feuilles à bord poilu. Pour se souvenir de cela, les botanistes ont inventé une phrase mnémotechnique, dont il existe plusieurs variantes : « être à poil charme Adam », « le charme d’Adam, c’est d’être à poil », « le charme a les dents de voir le hêtre à poil », etc., que l’on doit comprendre comme « les charmes ont des feuilles dentées alors que les hêtres ont des feuilles poilues ».
Charmes remarquables
Georges Feterman, dans son dernier ouvrage « Arbres d’exception, les 500 plus beaux arbres de France » (éd. Artémis, nov. 2018), liste 2 charmes remarquables :
- Le Charme du parc du château de Meillant (Cher), présenté comme l’un des plus gros charmes de France avec une circonférence de 5 mètres et un âge estimé de 200 ans ;
- Le Charme du château de Lutzelbourg (Moselle), en photo à droite.
Le site Krapo arboricole présente également un charme remarquable en Belgique, à Voroux-Goreux, dans la province de Liège (photo à gauche) : « Venons-en à ce que vous attendez tous : les mesures. Me semblant énormes, j’ai commencé par la base : 6,10 m ! Fort de cette lancée, j’ai mesuré le tronc à 1,10 m (sous la division), résultat : 4,50 m ! Deux mesures incroyables pour un charme ! ».
Alain Desbrosse présente, dans les deux tomes des Arbres remarquables de Bourgogne, plusieurs charmes remarquables. Je retiens celui de Molphey en Côte-d’Or, car ce Charme est le dernier résident d’un lieu dit nommé « Le Pré du Charme ». Un lieu qui aurait accueilli en son temps un Charme remarquable d’une circonférence peu banale de 7 mètres : la toponymie a conservé sa mémoire. Le Charme restant ayant une circonférence de 4,12 mètres, c’est le plus gros Charme recensé en Bourgogne (photo à droite).
Pour terminer, Michel Brunner, dans le livre Arbres géants de Suisse , présente plusieurs charmes particulièrement remarquables et étonnants, la plupart bi- ou tri-centenaires et présentant des circonférences de plus de 5 mètres.
Le bois du Charme commun et ses usages
D’après les auteurs du livre La flore forestière française, le bois de Charme, du fait de la croissance lente, produit un bois dense dont les cernes sont compacts et qui se révèle difficile à fendre. Un « bois homogène, blanc ou plus ou moins nacré, à densité élevée, très dur, peu fissile. Ce bois était donc utilisé pour la « tournerie, manches d’outils, maillets, coins, queues de billards, formes à chaussures, pièces de machines, articles de sport, billots, étals de boucherie, parquets, bobines et navettes, pièces mécaniques de pianos, instruments de dessin et de mesure, quilles et boules ; imitation de l’ébène après teinture ». D’autres sources mentionnent également son usage pour les essieux et moyeux de roues de chariots, les vis de pressoirs…
Michel Brunner, dans le livre Arbres géants de Suisse, indique même : « Le charme était pour cette raison appelé « arbre de fer » par les gens pauvres et remplaçait un métal jadis onéreux. On utilisait son bois pour des vis, des pièces de machines, des béliers, des marteaux de piano et des caractères d’imprimerie. » L’auteur évoque aussi l’utilisation depuis l’antiquité (pour repousser les troupes de César) de haies de charmes pour élaborer de véritables murailles vivantes : « L’un des bastions les plus connus, et qui existe encore en partie aujourd’hui, est le « Rheingauer Gebück » (structure pliée de Rheingau), au nord-ouest de Mayence. Lorsque le Rheingau réussit à repousser même une attaque de Frédéric le Victorieux grâce à son mur végétal, on a affirmé que celui-ci était « invincible d temps de son existence ».«
Le bucheron Bertrand te remercie pour si « charmant » commentaire !