Cuillère en bois d’If commun (Taxus baccata)
Avec cette petite cuillère en If commun, j’ai initié une nouvelle manière de lier le manche au cuilleron, via un décroché entre la finesse du manche et le galbé du cuilleron. J’ai souligné la pâleur du bois par une simple ficelle rouge. Le bois de cœur, plus sombre, se devine déjà alors que la branche était à peine plus épaisse que la cuillère sculptée. Cette cuillère a été réalisée à partir d’une petite branche donnée par Bertrand, en Moselle, une fois de plus merci à lui !
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Les ifs millénaires, protecteurs des morts
Georges Feterman, dans son dernier ouvrage « Arbres d’exception, les 500 plus beaux arbres de France » recense plus de 30 ifs remarquables, dont une dizaine seraient millénaires. Le doyen des ifs français serait l’If commun de la commune d’Estry dans le Calvados : Il s’agit à coup sûr de l’un des plus vieux arbres de France, dépassant probablement les 1600 printemps. Une dizaine d’adultes peuvent tenir à l’intérieur de son tronc creux, mesurant près de 12 mètres de circonférence.
L’association des Amis de l’arbre millénaire d’Estry précise : Des racines de cet arbre colossal ont été retrouvées à plus de trente mètres, sous les tombes du cimetière, et deux énormes branches d’une quinzaine de mètres, pointant horizontalement, encadrent l’entrée de son tronc creux. Le feuillage de l’if forme un énorme parapluie au-dessus des tombes et a historiquement servi à célébrer des messes, quand l’église d’Estry n’était pas assez grande pour accueillir tous les fidèles.
De nombreux ifs « antiques » sont présentés sur le site Krapo arboricole. La plupart sont situés dans les cimetières entourant les églises, tout particulièrement en Normandie. Une exposition conçue par la CAUE de la Manche (PDF) explique ce particularisme : Quelques particularités biologiques semblent valoir à l’if d’être devenu un arbre funéraire. Son feuillage toujours vert, son extraordinaire longévité, sa croissance si lente qu’il semble ne pas changer, en font un symbole d’éternité. Certains spécialistes estiment que l’if est l’équivalent du cyprès que plantaient les Romains auprès de leurs morts. Cette coutume méditerranéenne aurait été adaptée dans l’ouest de la France par l’usage de l’if.
L’if est depuis longtemps un arbre sacré. Les Celtes (Xe-IIIe siècle av. J.-C.) le considéraient déjà ainsi et c’est de bois d’if qu’étaient faites les baguettes des druides. Au VIIIe siècle, la religion chrétienne, après avoir tenté de les éliminer, s’appropria les lieux et objets des cultes païens. Ainsi, des ifs vénérés par les religions païennes ont été christianisés et ont conservé leur caractère sacré.
L’If de Llangernyw, au Pays de Galles, serait le plus vieil if au monde : il avait déjà 2.000 ans à l’époque de Jésus-Christ, et affiche donc plus de 4.000 ans aujourd’hui. L’arbre a pris racine pendant l’âge de bronze, à l’époque où était érigé le site mégalithique de Stonehenge, et il continue toujours de croître !
Connaitre et reconnaitre l’If commun
L’If occupait de vastes zones en Europe entre les périodes glaciaires. Si l’espèce est aujourd’hui encore présente en Europe, ainsi qu’en Algérie et dans le nord de l’Iran, il n’existe cependant presque plus de forêts d’ifs en Europe (un peuplement d’ifs est appelé « ivaie ») alors qu’il devait en rester de très vastes dans l’Ouest de la France après la dernière glaciation. Cette quasi disparition s’explique par plusieurs raisons. Si les hêtres, apparus il y a 4500 ans, ont refoulé les ifs, c’est surtout l’homme qui l’a décimé à partir du moyen-âge :
- ils étaient souvent arrachés car très toxiques pour le bétail ;
- les forêts auraient été décimées pour fabriquer des arcs ;
- le bois d’if a été très utilisé en ébénisterie et en marqueterie.
Pour en savoir plus sur l’état des peuplements (et des protections dont l’If bénéficie aujourd’hui), le plus simple c’est encore cette page wikipedia. L’If prospère là où d’autres arbres ne pousseraient pas à cause du manque de lumière, comme des escarpements sombres en moyenne montagne. Il s’accommode ainsi de 4 fois moins de lumière qu’un Pin sylvestre.
Les ifs (7 espèces dans le monde) sont une espèce de conifères un peu à part qui ont formé leur propre famille, les Taxaceae. A la différence des autres conifères :
- ils ne portent pas de cône ;
- ils conservent leurs aiguilles souples jusqu’à 8 ans ;
- ils possèdent un bois sans résine et une écorce lisse ;
- ils rejettent de souche.
Le nom français, if, vient de son nom en gaulois, iuos. Le nom latin est taxus, de l’indo-europén tecs signifiant travail habile, en allusion à la facilité de sculpture sculpter du bois. Baccata signifie qui porte des baies. En fait il s’agit d’une arille présente sur les ifs femelles, l’If commun étant un conifère qui ne porte pas de cônes.
L’if dépasse rarement 20 mètres de haut, mais la plupart des individus sont généralement plus petits, tout en pouvant occuper beaucoup d’espace (forme en buisson). La forme est variable avec une cime irrégulière et un tronc court et noueux d’où partent des branches à quelques centimètres du sol. Le tronc cannelé porte une écorce qui va du brun à un brun rougeâtre (parfois très foncé voire pourpre). L’écorce est assez fine et écailleuse (se détache généralement en fines écailles). Les rameaux sont souples et verts au moins la première année. Les feuilles sont des aiguilles molles, plates de couleur vert foncé dessus et vert plus clair dessous. Elles mesurent généralement entre 20 et 35 mm. Les aiguilles sont insérées en spirale autour des pousses. L’if est une espèce dioïque : les fleurs des pieds mâles (photo ci-contre), jaunâtres produisent au printemps un pollen jaune et abondant. Les fleurs des pieds femelles sont verdâtres et forment des fruits charnus, rouge vif : les « arilles » qui, jadis étaient consommées en confiture. Seule la chair du fruit n’est pas toxique. Sucrés, les fruits sont consommés par les oiseaux qui en rejettent la graine dans leurs excréments, ce qui contribue à la diffusion et à la reproduction de l’espèce. La graine toxique n’est pas digérée par ces animaux.
Le bois d’if et ses usages
D’après les auteurs du livre La flore forestière française, le bois de cœur (duramen) coloré, brun (…), dense, dur, homogène, sans canaux résinifères, sans odeur, aux propriétés mécaniques excellentes, très durable, très décoratif ; bois très recherché et utilisé pour l’ébénisterie (…), bois de sculpture, bois tourné, marqueterie ; instrument de dessin et de mesure (réglets, vraies et fausses équerres) ; utilisé de l’antiquité jusqu’au moyen âge pour faire des arcs.
Voici comment Bernard Bertrand décrit le bois d’if : sur fond rouge brun, il arbore des teintes amarante, veinées de violine, sillonnées de pourpre et marquées de noir. Rien que pour cela, le bois d’if est unique.
Le bois d’if est très prisé des ébénistes et très recherché en marqueterie, son prix est également très élevé. Il est recherché en tournage et en sculpture pour le contraste entre le cœur, d’une belle teinte orangée-rougeâtre, et l’aubier très clair de son bois. Le bois est imputrescible et très stable en plus d’être à la fois robuste et d’une certaine souplesse, ces deux dernières qualités étant particulièrement essentielles pour un arc.
Le secret des célèbres arcs anglais « longbow »
L’arc long anglais, également appelé longbow ou arc droit, est une évolution de l’arc gallois. Il s’agit d’un arc médiéval très puissant, d’environ 2 mètres de long, très utilisé par les Anglais, à la fois pour la chasse et la guerre.
Il s’agit d’un arc simple, façonné d’une seule pièce dans de l’if, bois dont les qualités intrinsèques font qu’il se comporte comme un arc composite (plus complexe de conception). D’autres bois d’arc de substitution (par efficacité décroissante : orme, frêne, noisetier, voire chêne) peuvent être utilisés, mais au prix d’une perte notable d’efficacité.
L’arc en if présente cette particularité paradoxale d’être un arc simple, façonné dans un matériau d’une seule pièce, tout en se comportant comme un arc composite. En effet, l’if est mis en forme de telle sorte qu’il comprend une partie d’aubier (au dos) et une partie de cœur (ventral), le duramen. L’aubier travaille en traction et le cœur en compression. Leurs propriétés se complètent et confèrent à cette arme des qualités balistiques bien supérieures aux arcs simples tirés d’autres essences.
Le texte ci-dessus est extrait de la page Wikipedia consacrée aux arcs de type longbow. Une autre lecture conseillée (car passionnante) : L’If, un bois qui répandit la terreur, du site des archers du Genevois.