Cuillère en bois de Peuplier tremble (Populus tremula)
Un bois léger, tendre, qui n’use pas la lame du couteau. Le poli est correct, le grain étant assez gros, mais le toucher est chaud, doux, agréable. Les fibres du peuplier tremble sont assez longues, le bois est souple mais présente un léger risque d’échardage. Cette branche de peuplier tremble était habité : des mangeurs de bois avaient creusé quelques galeries bien malvenues pour l’éplucheur que je suis. Il a fallu affiner, changer d’idée, rechanger encore, pour limiter l’impact des copains xylophages. Résultat, une cuillère en bois de Peuplier tremble un peu plate… juste relevée par une arête centrale qui apporte de la rigidité. Et puis, quelques trous, par ci, par là.
Branche donnée par Claude Taccard, de Vernicourt. Merci pour ce partage !
Dans la famille Salicaceae, je demande…
Cette cuillère en bois de Peuplier tremble est la 25e sculptée pour mon défi consistant à tailler autant de cuillères différentes qu’il y a d’essences d’arbres répertoriées dans la flore forestière française. La famille des Salicacées comprend 350 espèces végétales réparties en 2 genres : Populus et Salix (les saules). Le genre Populus englobe 35 espèces des régions tempérées et froides de l’hémisphère nord. Il comprend aussi de nombreux hybrides naturels ou artificiels (créés par l’homme).
J’ai encore 6 cuillères à sculpter dans les arbres du genre Populus. Avec 7 cuillères en tout, j’aurai une famille complète 😉 :
- Peuplier blanc (Populus alba)
- Peuplier grisard (Populus canescens)
- Peuplier noir (Populus nigra)
- Peuplier d’Italie (Populus nigra italica)
- Peuplier baumier (Populus trichocarpa)
- Peuplier euraméricain (Populus x canadensis)
Pando, arbre éternel.
Pando est le nom donné à une forêt de peuplier (sans s) faux-tremble (Populus tremuloides) située à l’ouest des États-Unis dans l’Utah. Pourquoi au singulier ? Tout simplement parce que cette forêt de 44 hectares n’est constituée que d’un seul peuplier ! Les 40000 troncs de cette forêt forment ce qu’on appelle une colonie clonale : ils sont tous reliés entre eux, ils sont des clones les uns des autres.
Cette colonie est considérée comme l’organisme vivant le plus lourd et le plus âgé de la planète, avec une masse estimée à 6 000 tonnes, et un âge estimé de 80 000 ans. C’est une estimation raisonnable, non confirmé par les scientifiques pour la simple et bonne raison qu’il n’existe pas de méthode fiable pour calculer l’âge d’un peuplier faux-tremble clone.
Comment fonctionne un arbre clonal ?
Sous certaines conditions, les plantes peuvent pratiquer une forme de reproduction asexuée appelée multiplication végétative. Au lieu de donner naissance à un nouvel individu (comme le fait la reproduction sexuée), la plante crée des clones possédant tous le même patrimoine génétique.
Dans le cas de Pando, que l’on nomme également Trembling Giant, les racines de chacun de ses troncs s’étendent sous terre, et peuvent ressortir pour donner naissance à un nouveau tronc. C’est ainsi que les 40 000 troncs qui le composent sont tous connectés entre eux par un gigantesque ensemble sous-terrain de racines.
Un arbre presque immortel
Si les conditions sont favorables, ce petit jeu de clonage peut durer assez longtemps et conférer à Pando une quasi-immortalité ! Chaque tronc n’aura qu’une durée de vie d’une grosse centaine d’années, mais tant que de nouveaux troncs sont créés, on peut considérer que c’est le même organisme dont il s’agit. Toutefois puisque les troncs disparaissent et sont remplacés, on ne peut pas utiliser le comptage des anneaux pour estimer l’âge total de Pando.
Zora del Buono évoque Pando dans son livre Des arbres et des hommes : Pando a été découvert en 1968 par le scientifique Burton V. Barnes. Le nom Pando est dérivé du latin pandere, s’étaler. (…) Son immense propagation dans l’espace (44 ha) présente des avantages pour l’arbre : si l’une de ses extrémités est au sec, ses racines vont conduire vers cette région de l’eau puisée dans des emplacements plus humides, si le sol manque de quelque chose, des substances nutritives sont acheminées vers les rejets qui en ont besoin.
Le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides)
Pando n’est pas un peuplier tremble (Populus tremula) mais un peuplier faux-tremble (Populus tremuloides). La précision faux-tremble vient du fait que cette espèce limitée au continent américain est très proche du peuplier tremble qui lui ne vit qu’en Eurasie. En 1975, Áskell Löve et Doris Benta Maria Löve proposèrent de considérer cette espèce comme une sous-espèce de Populus tremula, sous le nom Populus tremula subsp. tremuloides (Michx.), mais cette proposition n’a pas été retenue.
Autres peupliers tremble remarquables
Le tremble ne vit pas très vieux ! 70 à 100 ans… ce qui est surprenant à lire quand on sait que c’est un peuplier qui détient le record de longévité ! Mais l’arbre rejette de souche et drageonne fortement. Ce sont donc ses racines qui défient le temps.
Le site Monumentaltrees répertorient les peupliers tremble d’exception dans le monde :
- La plus grande circonférence, 4,51 mètres, reviendrait à un spécimen suédois, à Orsa en Dalécarlie (photo ci-contre).
- Le plus haut (41,40 mètres) serait polonais, résident de la fameuse forêt de Bialowieza.
- Le plus âgé serait italien, il aurait 118 ans et vivrait à la Villa Rizzi à Tricesimo.
Nommer, connaitre et reconnaitre le Peuplier tremble (Populus tremula)
Étymologie
Le latin Populus signifie peuple, car l’arbre était planté par les romains dans les lieux publics. Tremulus signifie tremblant et fait référence aux feuilles de ce peuplier qui, au moindre souffle de vent, oscillent de part et d’autre de l’axe formé par leur pétiole aplati et leur nervure centrale. L’expression Trembler comme une feuille trouve tout son sens avec cet arbre.
Je ne peux m’empêcher de citer ici Pierre Lieutaghi [ Le livre des arbres, arbustes & arbrisseaux ] :
A l’écoute des moindres voix du vent, ses jolies feuilles rondes ne se lassent pas de répéter en virevoltes les histoires des quatre horizons.
Répartition
Le Tremble est présent dans toute l’Europe, de la Scandinavie au-delà du cercle arctique jusqu’à la Méditerranée, et jusqu’à 1300 m d’altitude (des observations auraient été faites jusqu’à 2000 mètres). Pierre Lieutaghi indique qu’il croit sur une plus vaste échelle encore en Asie, du Caucase et de l’Asie Mineure au Japon.
En France, l’auteur indique que si le Tremble est commun en France, il est plus rare en région méditerranéenne et peu commun en Corse.
C’est le peuplier le moins exigeant en eau, et il est peu exigeant quant à la qualité des sols (calcaire ou silice), bien qu’il recherche de préférence des sols profonds et frais. Essence de lumière, essence pionnière, il se propage facilement par ses racines drageonnantes. Pierre Lieutaghi indique que ses racines peuvent rester vives et faire des jets longtemps après la mort du pied.
Identification
C’est un arbre de taille moyenne, d’environ 20 m de haut, à l’écorce à lenticelles en losanges, gris verdâtre dans son jeune âge puis noirâtre et crevassée. Il fleurit de mars à avril avant l’apparition des feuilles. Les fleurs sont regroupées en chaton argentés et velus comme de grosses chenilles pour les mâles et verdâtres pour les femelles. Il est pollinisé par le vent. Ses petites feuilles caduques sont alternes à bouts arrondis, glauques dessous, de 4 à 5 cm de long. Les fruits sont des petites capsules ovoïdes contenant de minuscules graines garnies d’une houppe de « coton ». Elles sont dispersées par le vent (Source : www.humanite-biodiversite.fr).
Le bois du Peuplier tremble et ses usages
Que dit la Flore forestière française à propos du tremble ? Que c’est un bois très blanc à duramen non apparent, très homogène, élastique et souple, de densité moyenne (…) bois estimé pour la fabrication des allumettes (grande aptitude à la fente) et donnant une pâte à papier de très bonne qualité.
Pierre Lieutaghi précise la densité du bois (0,45-0,50), comme celle du Peuplier noir, mais avec un bois plus homogène, moins tendre et moins noueux du fait d’un fût qui n’émet pas de gourmands et qui n’est branchu qu’à partir d’une bonne hauteur.
Autres usages ethnobotaniques
La présence d’un hétéroside, aux propriétés équivalentes au sulfate de quinine, dans l’écorce des jeunes rameaux, et a priori également dans les feuilles, confère au Tremble de pouvoir être employé comme fébrifuge et sédatif des douleurs musculaires et rhumatismales. L’écorce pulvérisée était autrefois utilisée comme vermifuge pour les chevaux.
C’est un mauvais combustible donnant un charbon de bois très médiocre sauf pour la fabrication de la poudre.
Bonsoir,
J’ai découvert votre site hier, et suis totalement immergé dans ces pages d’une richesse fabuleuse. Merci pour ce partage, la richesse de vos commentaires et présentations, et pour l’inspiration que vous instillez au travers de vos réalisations qui sont d’une esthétique remarquable, à l’instar des arbres présentés ici !
Je vous souhaite réussite dans ce projet magnifique que vous vous êtes fixé, d’une poésie et d’un niveau extrêmement stimulant…
Bien à vous
Nico
Je n’aurais pas pu mieux le dire. Merci François pour ce magnifique voyage !