Cuillère en bois de Cornouiller mâle (Cornus mas)
J’ai commencé à sculpter cette cuillère en bois de Cornouiller mâle alors que la fibre était encore verte et j’ai bien fait ! Le cornouiller mérite sa réputation de bois dur. Un des noms vernaculaires du Cornouiller mâle est d’ailleurs Bois de fer. Le Cornouiller doit son nom de genre Cornus (cornu = corne) au fait que son bois est dur comme de la corne ; et le nom d’espèce mas est également une allusion à la dureté du bois (mas = mâle) (1). Cette densité du bois se mesure déjà au simple poids de la branche. Le bois a séché progressivement au fil des jours, restant au frigo entre deux coups de canif. Plus il séchait et plus il devenait difficile à tailler. Un dur labeur mais le résultat en vaut la peine. Ce bois est tout simplement magnifique, il associe la finesse du bois de l’If ou du Buis à une pâleur qui fait penser à de l’ivoire. On aurait presque du mal à croire que c’est du bois tellement le poli est magnifique et la blancheur homogène.
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Vous pouvez découvrir sur ce site une autre cuillère sculptée en cornouiller, mais celle-ci est en Cornouiller sanguin.
(1) Henriette Walter et Pierre Avenas [ livre La majestueuse histoire du nom des arbres ] explique autrement l’adjectif mas : cette désignation se trouvait déjà chez Théophraste qui qualifiait de « mâle » le cornouiller au bois très dur et produisant d’assez gros fruits rouges comestibles, alors qu’il qualifiait de « femelle » un autre cornouiller (Cornouiller sanguin ?), plus petit, au bois moins dur et fournissant de petits fruits noirs immangeables. Les auteurs précisent ensuite que ces désignations n’ont aucun rapport avec la sexualité des arbres, tous deux hermaphrodites. Le Cornouiller mâle est parfois appelé cornier, cornelier ou fuselier.
Dans la famille Cornaceae, je demande…
Cette cuillère en bois de Cornouiller mâle est la 14e sculptée pour mon défi consistant à tailler autant de cuillères différentes qu’il y a d’essences d’arbres répertoriées dans la flore forestière française.
La famille des Cornaceae (Cornacées) n’est pas une famille clairement définie, elle intègre plus ou moins de genres et d’espèces selon la méthode de classification, aussi concentrons nous plutôt sur le genre Cornus. Celui-ci comprend de 30 à 50 espèces, dont 3 figurent dans la liste de mon défi :
- le Cornouiller mâle ici présent ;
- le Cornouiller sanguin (Cornus sanguinea), dont j’ai déjà sculpté la cuillère ;
- et enfin le Cornouiller à fleur d’Amérique (Cornus florida), que je n’ai pas encore dénicher…
Connaitre et reconnaitre le Cornouiller mâle
Distribution
Le Cornouiller mâle peuple les forêts claires, les lisières, fruticées, haies, taillis. Il croît sur les sols secs des pentes calcaires ensoleillées, les bois clairs de feuillus, les haies, les remblais de chemin de fer… On rencontre le Cornouiller mâle plutôt dans l’est et le sud de l’Europe et au Proche-Orient. Il croit à l’état sauvage des Balkans à l’Asie mineure. Il est relativement peu répandu en France, commun dans le nord, l’est, supra-méditerranéen, mais absent dans l’ouest, les Ardennes et en Corse, très rare dans le Massif central et en Sologne.
Identification
C’est un petit arbre rustique mesurant en général 7 à 8 mètres et pouvant atteindre 12 mètres de haut. Les feuilles caduques de 4 à 10 cm de long sur 2 à 4 cm de large sont entières, opposées, légèrement gaufrées, au revers vert sombre. Elles tombent de façon assez précoce en automne. Les fleurs jaunes sont petites (5 à 10 mm de diamètre) et apparaissent en février-mars avant les feuilles. Cette floraison précoce, avant celle du Forsythia, fait du cornouiller une excellente plante mellifère. Les fruits, appelés cornouilles sont des drupes rouges de 15 à 35 mm de long contenant un gros noyau.
Pour identifier sans peine le Cornouiller mâle, je ne peux que vous conseiller cet excellent article du site notesdeterrain.over-blog.com
Les cornouillers remarquables
Cornouillers remarquables en Suisse
La longévité du Cornouiller mâle est supérieure à 100 ans, jusqu’à 300 ans, voire davantage pour certains spécimens remarquables. Michel Brunner [ livre Arbres géants de Suisse ] indique que les cornouillers mâles sont des arbres à la croissance très lente, ce qui explique que des individus âgées peuvent présenter des troncs d’une circonférence modeste. Il présente un Cornouiller mâle situé dans un jardin public à Winterthur (canton de Zurich), âgé d’environ 160 ans et dont le tronc à 50 cm du sol mesure tout de même 3 mètres de circonférence. Le plus gros Cornouiller mâle d’Allemagne est âgé de 250 ans avec un tronc de seulement 1,80 mètres de circonférence.
Cornouillers remarquables en France
En France, je n’ai pas trouvé de références au Cornouiller mâle dans ma bibliothèque. Sur Internet, plusieurs références cependant :
- sur une place à Poitiers (Vienne), avec une circonférence d’1,90 mètres (Source indiquée : livre Arbres remarquables de la Vienne – Vienne Nature – Novembre 1999)
- dans le Jardin Dominique-Alexandre Godron à Nancy, avec une circonférence d’1,79 mètres (Source : un très bel article sur le site Krapo arboricole)
- au sein du Parc du Cèdre à Caudebec-les-Elbeuf (Normandie), avec une circonférence de 2 mètres (Source)
- dans la ferme d’Angoulevent à Peigney (Haute-Marne), avec une circonférence de 5,50 mètres ! (Source : Association A.R.B.R.E.S)
Vous pouvez retrouver d’autres cornouillers « monumentaux » sur cette page du site www.monumentaltrees.com
Le bois du Cornouiller mâle et ses usages
Que dit la Flore forestière française à propos du bois de Cornouiller mâle ? Bois homogène brun-rose clair de densité élevée, à grain fin, dur, prenant un beau poli, se tournant bien, très résistant aux chocs. Utilisé pour les manches d’outils d’excellente qualité et des barreaux d’échelle (mais aussi les dents des râteaux et des fourches) ; autrefois : pièces mécaniques (dents d’engrenage, coussinets, chevilles), cannes, manches de parapluies et d’ombrelles, cerclage des emballages ; utilisé dans l’antiquité pour la confection de flèches, piquets et javelots.
On peut compléter cette description du bois de cornouiller par ces éléments de description donnés sur Wikipedia : Le bois est dur, élastique et droit. Il est extrêmement dense et, contrairement au bois de la plupart des autres espèces de plantes ligneuses, il coule dans l’eau (…) Les artisans le considèrent souvent bien supérieur à tout autre bois. Wikipedia indique également que c’est un bois concurrent de l’If pour la facture d’arc, ce qui, étant donné ses qualités, n’a rien d’étonnant. Certaines sources indiquent que le Cornouiller mâle serait le bois le plus dur d’Europe… à vérifier !
Pierre Lieutaghi [ livre Le livre des arbres, arbustes et arbrisseaux ] confirme la dureté et la densité du bois : de 0,94 à 1,01 selon Mathieu. Ce qui signifie qu’effectivement un morceau de cornouiller pourrait couler dans l’eau puisque sa densité est supérieure à celle-ci.
Approche ethnobotanique
Les usages alimentaires du Cornouiller mâle
Le Cornouiller mâle (Cornus mas) était jadis reconnu comme un fruitier à part entière. Jacques Brosse [ livre Les arbres de France, histoires et légendes ] indique qu’au temps jadis c’était un arbre fruitier à l’égal des pommiers, poiriers, cerisiers et néfliers : On ne connaissait alors ni les pêchers ni les abricotiers : on faisait d’excellentes confitures et aussi un sirop, appelé « croniat », qui a été remplacé par la grenadine.
Les fruits (cornouilles) des cornouillers sauvages sont des drupes de couleur rouge vif à bordeaux, selon la maturité, en forme d’olives arrondies. La pulpe, peu épaisse, est très adhérente au noyau. Les cornouilles sont nettement acides tant qu’elles sont rouge vif, puis légèrement acides quand elles deviennent rouge foncé. Ensuite la couleur de la peau ne varie plus. C’est au toucher que l’on reconnaît les cornouilles devenues douces : la pulpe de la cornouille se ramollie, la peau se détend légèrement. Un autre indice est la couleur de la pulpe devenue nettement plus foncée. Mais à ce stade, les cornouilles sont généralement déjà tombées au sol. Qu’importe, car elles continuent de mûrir même détachées de l’arbre, donc dans un panier dans votre cuisine !
D’après François Couplan [ livre Le régal végétal ], les cornouilles (mûres) ont une pulpe sucrée, acidulée et très parfumées, rappelant à la fois la groseille, la cerise et la framboise. On en faisait souvent, jadis, des confitures et des tartes. Les fruits contiennent beaucoup de vitamine C.
Toujours d’après Couplan [ livre Cuisine sauvage ], les cornouilles encore étaient autrefois conservées dans la saumure, pour être lacto-fermentées et consommées comme des olives. Deux autres utilisations sont évoquées : la réalisation d’un vin de cornouilles mûres et une excellente liqueur d’un beau rouge vif dont François Couplan donne la recette.
Recette de la gelée de cornouilles
Mettre les cornouilles dans une casserole. Ajouter un peu d’eau. Porter à ébullition pour faire crever les fruits. Laisser tiédir. Mettre dans une passoire à gros trous et écraser à la main pour recueillir un jus épais. Récupérer ce qui reste dans la passoire, le remettre dans la casserole avec un peu d’eau et renouveler l’opération. On peut recommencer une troisième fois. Ce procédé permet de récupérer le jus et une partie de la pulpe sans trop de difficultés car la pulpe adhère fortement au noyau. Porter à ébullition un kilogramme de cette purée, ajouter un sachet de pectine et cuire trois minutes. Ajouter 900 grammes de sucre, bien remuer, attendre la reprise de l’ébullition et cuire à nouveau trois minutes sans cesser de remuer. Mettre en pots ébouillantés et séchés. Fermer et laisser les pots retournés sur le couvercle une dizaine de minutes (pour prévenir la formation de moisissures). La gelée de cornouilles est légèrement acidulée. Elle s’accorde particulièrement bien avec les pommes cuites au four.
Source : http://www.fruitiers-rares.info/