Cuillère en bois de Frêne commun (Fraxinus excelsior)
Quand je commence à éplucher une branche, je ne sais jamais quel sera le résultat. C’est le bois, les noeuds, les défauts, la courbure des fibres, la nature du bois qui définissent la forme définitive. Ce morceau de frêne d’une belle densité m’inspirait confiance. Et puis le frêne, je connais. J’ai même construit il y a fort longtemps un vélo dans ce bois réputé souple et solide. La branche rapidement dégrossie au couteau m’évoquait un cétacé, et c’est cette inspiration initiale qui m’a guidé pour cette cuillère en bois de Frêne commun.
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Frênette, la boisson des centenaires.
Qu’est-ce que la Frênette ? Wikipédia nous présente cette boisson comme un cidre de frêne, une boisson fermentée légèrement alcoolisée (ndlr : le degré d’alcool est d’environ 3,5 %), préparée à base de feuilles de frêne.
La Frênette des producteurs locaux est aujourd’hui composée d’un mélange d’eau et de feuilles de frêne, mais aussi, selon les recettes, de sucre, de chicorée torréfiée, de houblon, d’acide tartrique, de levure de bière ou de vin… Ces ajouts sont liés aux impératifs commerciaux et visent à accélérer et garantir la production. Mais qu’en est-il de la recette d’antan ?
A l’origine, cette boisson fermentée était uniquement composée de feuilles et d’eau. Le sucre, nécessaire à la fermentation, provenait de l’exsudat de sève des feuilles piquées par le puceron Gossyparia ulmi, et ses déjections sucrées que l’on nomme miellat (c’est ce miellat qu’on retrouve d’ailleurs à la belle saison sur toutes les plantes poussant sous un frêne). Voilà qui nécessite une petite explication, que nous allons emprunter aux producteurs de miels de miellat !
Le miel de miellat
Nous connaissons tous le miel de nectar pour lequel l’abeille butine les fleurs. Mais il existe aussi un miel de miellat pour lequel les abeilles recueille les exsudats sucrés de divers insectes piqueurs-suceurs producteurs de miellats : par exemple les pucerons, les pyslles, les aleurodes ou encore les cochenilles. Ces insectes piquent les parties tendres des végétaux et se nourrissent des matières azotées contenues dans la sève. Ils rejettent ensuite les matières sucrées qu’ils ne peuvent pas digérer, le miellat. Ces exsudats sont alors repris par les abeilles qui vont les ramener à la ruche et les transformer à nouveau, pour produire un miel de miellats.
François Couplan, dans son ouvrage Le régal végétal indique : Cette sève concentrée est sucrée et possède un goût délicieux rappelant l’extrait de malt. Elle est similaire à la manne du frêne à manne (Fraxinus ornus) et pourrait, si on en récupéré suffisamment, être employée comme édulcorant.
Le Frêne à manne, également dénommé Frêne à fleurs (photo ci-contre), est un frêne cultivé en région méditerranéenne pour son épaisse substance sucrée qui exsude de son tronc par incision. Ce frêne est toujours cultivé en Sicile où cette manne remplace le sucre. Couplan indique : Dans la région des Madonie, près de Palerme, on édulcore un gâteau, le manetto avec la sève de ce frêne.
Dans le cas de la Frênette, les anciens prenaient garde de récolter en été les feuilles couvertes de cette sève gommeuse dénommée miellat. Ils garantissaient ainsi le taux de sucre nécessaire à la fermentation de cette boisson pétillante, qui se boit bien fraîche.
Frênes remarquables
Le Frêne élevé, s’il peut atteindre des hauteurs impressionnantes de 45 mètres, a pour autant une espérance de vie moyenne assez réduite de 120 à 150 ans. Comme nous allons le découvrir, quelques individus remarquables font mentir ces chiffres.
Frênes remarquables en France
George Feterman [ livre Arbres d’exception, les 500 plus beaux arbres de France ] présente quatre frênes élevés remarquables en France :
- le frêne du château de Couffour (4 mètres de circonférence, env. 150 ans) à Chaudes-Aigues dans le Cantal ;
- les frênes de la cascade d’Etufs (4 à 5 mètres de circonférence, env. 150 ans) à Rouvres-sur-Aube en Haute-Marne ;
- les frênes du calvaire (4 mètres de circonférence, env. 150 ans) à Vigneville dans la Meuse ;
- et le plus âgé : le frêne de François 1er (5 mètres de circonférence, env. 500 ans) à Vence dans les Alpes maritimes (carte postale ci-contre). Un arbre à découvrir en détails sur le site Krapo arboricole.
Frênes remarquables en Suisse
Michel Brunner [ livre Arbres géants de Suisse ] présente un magnifique Frêne élevé à Arosa en Suisse. Il présente un tronc d’un peu plus de 9 mètres de circonférence pour un âge estimé à 350 ans. L’auteur évoque plusieurs autres frênes remarquables dans le monde, dont : il y avait un frêne encore beaucoup plus énorme à côté d’une église dans une île acadienne. Il possédait l’inimaginable circonférence du tronc de 17,70 mètres à 1,50 mètres de hauteur.
Le site Krapo arboricole présente également des Frênes « rampants » aux formes surprenantes dans le district des Franches-Montagnes du canton Jura en Suisse.
Frênes remarquables en Bourgogne
Alain Desbrosses présente également quatre frênes remarquables dans les 2 premiers tomes de ses ouvrages Les arbres remarquables de Bourgogne. Le frêne élevé de Larochemillay (Nièvre) : un frêne, anciennement taillé en têtard, en libre croissance depuis une quinzaine d’années, et qui détient le record de circonférence pour la Bourgogne : 7,68 mètres. En Côte-d’Or, près de Dijon, dans la combe du Leuzeu, un autre frêne remarquable prend la seconde place avec 4 mètres de circonférence. Une autre belle vallée en Côte-d’Or, la vallée du Rhoin près de Beaune, abrite un frêne de 3,25 mètres de circonférence. Enfin, en Saône-et-Loire, c’est le frêne sur la commune de Broyes qui trône en troisième place avec une circonférence de 3,93 mètres.
Pour illustrer ce que peut être un frêne anciennement taillé en têtard ou « trogne » – et en attendant d’aller photographier les frênes remarquables sus-cités – voici ci-contre la photo du frêne de Noiron en Pays châtillonnais (Côte-d’Or). Cliquez sur la photo pour en savoir plus.
Connaitre et reconnaitre le Frêne commun / Frêne élevé
Étymologie du frêne
Frêne, anciennenment Fresne ou Fraisne, provient du latin Fraxinus, dérivé du grec phraxis, signifiant haie (ou phrasso signifiant entouré d’une clôture). Le frêne pousse souvent dans les haies et son bois servait à établir les clôtures.
Excelsior provient du verbe excellere (dépasser) et signifie élevé et a donné l’autre nom vernaculaire du Frêne commun : Frêne élevé. Selon une autre source, le latin fraxinus se traduit par foudre et serait lié à la situation isolée (ou à la taille) de cet arbre qui ainsi attirerait la foudre… Le Frêne commun est en effet l’un des plus grands arbres de nos forêts. Sa taille peut atteindre 40 mètres et son tronc présenter jusque 1 mètre de diamètre.
Famille et répartition
Il existerait environ 50 espèces de frênes (la classification évolue en permanence), dont 3 seulement sont autochtones en France et plus généralement en Europe :
- Frêne commun (Fraxinus excelsior, aussi appelé Frêne élevé),
- Frêne oxyphylle (Fraxinus angustifolia, Frêne à feuilles étroites ou Frêne du midi),
- et Frêne à fleurs (Fraxinus ornus ou Frêne à orne ou encore Frêne à manne).
On rencontre le Frêne commun dans toute l’Europe, sauf dans les régions méditerranéennes et au-dessus de 1500 mètres en montagne. Il vit le long des rivières, les bois frais, haies, versants ombragés et supporte la pollution atmosphérique. Il peut vivre jusqu’à 200 ans.
Identification
J’emprunte cette description synthétique du frêne au site Ooreka :
Le frêne possède un tronc droit et nu, à écorce grise plus ou moins foncée.
Avant l’arrivée des feuilles, on observe des gros bourgeons noirs très caractéristiques du genre.
Les feuilles peuvent mesurer jusqu’à 35 cm de long, et sont composées d’un nombre impair de folioles à petites dents (de 9 à 15).
En automne, les folioles tombent avant la tige qui les porte, qui elle se détachera parfois beaucoup plus tard.
Les fleurs brunâtres apparaissent très tôt avant les feuilles, en avril mai. Elles laissent ensuite la place aux fruits du frêne que l’on appelle les samares. Il s’agit de samares simples de 2 à 4 cm de long, de couleur verte puis marron clair, regroupées en grand nombre sur des grappes retombantes. Il ne faut pas les confondre avec les samares doubles, fruits des érables.
Le bois du frêne et ses usages
Que dit la Flore forestière française à propos du frêne ? Que c’est un bois à accroissements bien apparents, blanc jaunâtre ou crème, parfois rosâtre (…) densité moyenne à assez forte ; excellentes propriétés mécaniques en flexion et au choc ; bois très souple et élastique, lisse au toucher, prenant un beau poli, se courbant et se tournant bien…
Wikipedia indique également que le frêne est classé parmi les bois durs utilisés pour les parquets, les escaliers, mais aussi les manches d’outils tels que pelles, haches, pioches, etc., ainsi que des arcs, car il est flexible.
A la fin de la guerre de Troie, pour venger la mort de son ami grec Patrocle, Achille, héros des Grecs, fou de rage et de douleur, provoqua Hector en duel et le tua avec un javelot fabriqué à partir du frêne sacré du Mont Pelion. Au Moyen-âge, pour un usage guerrier similaire, des frênes étaient couramment plantés à proximité des châteaux-forts.
Moins belliqueux qu’Achille ou autres seigneurs médiévaux, Cupidon, Dieu de l’amour, continue de décocher chaque jour des flèches en frêne.
Souple et solide à la fois !
Le bois de frêne est encore utilisé de nos jours pour divers objets pour lesquels on apprécie sa flexibilité et la chaleur de son toucher : manches d’outils, agrès, queues de billard, avirons, etc. Pierre Lieutaghi [ livre Le livre des arbres, arbustes et arbrisseaux ] indique que le bois de frêne est l’un des bois les plus précieux de nos climats et qu’il est aussi recherché que le merisier ou le noyer. Pour sa flexibilité et sa résistance aux chocs et aux secousses, l’auteur souligne son usage ancien par les charrons pour la fabrication de brancards, timons, rayons de roues, etc.
Michel Brunner [ livre Arbres géants de Suisse ] indique que les forestiers suisses différencient le « frêne d’eau », poussant sur sol humide, du « frêne calcaire », croissant sur un sol plus sec. Un frêne de plus de 80 ans, au cœur qui vire au brunâtre, est vendu moins cher, alors qu’un frêne dont le bois est sillonné de veinures blanches sera vendu plus cher sous le nom de « frêne olivier » ou « faux bois d’olivier« .
Approche ethnobotanique du frêne
Les usages agricoles
Dans les régions pauvres en céréales, comme en montagne, les frênes étaient élagués en « têtards » ou « trognes » pour la production de fourrage séché pour les animaux. Cette façon de tailler régulièrement les arbres (frênes, ormes et peupliers), tous les 2 ans en général, remonte aux romains et se nommait tonsura. Pierre Lieutaghi [ livre Le livre des arbres, arbustes et arbrisseaux ] indique que les feuilles de frêne, riches en protéines et en hydrates de carbone, en font un aliment au moins égal à la meilleure luzerne. Cette pratique permet également la récolte de bois de feu.
Les usages urbains
Le frêne est aussi largement utilisé en plantations d’ornement. Plusieurs centaines de variétés ornementales de Frêne commun, Frêne oxyphylle et Frêne à fleurs ont été sélectionnées en Europe, mais aussi sur d’autres continents. Certaines se distinguent par la couleur de leur feuillage en saison (ex. F. excelsior ‘Variegata’ ou F. ornus ‘Variegata’, aux feuilles marbrées de blanc) ou en automne (ex. F. angustifolia ‘Raywood’ au feuillage lie de vin), la couleur de leur bois (ex. F. excelsior ‘Aurea’) ou leur architecture (ex. F. excelsior ‘Pendula’ et ‘Pyramidalis’). (Source : fraxinus.fr)
Les usages thérapeutiques
Les feuilles doivent être cueillies entre mai-juin et juillet selon les régions, quand elles encore recouvertes de leur exsudat de sève. Elles sont plus actives sèches que fraiches. Les feuilles de frêne sont diurétiques, reminéralisantes et toniques et sont utilisées traditionnellement contre la goutte, les rhumatismes, les douleurs articulaires, également comme laxatif léger.
L’écorce, récoltée de préférence au printemps sur des rameaux de 3 à 4 ans, amère et astringente, était utilisée comme fébrifuge, en succédané à l’écorce de quinquina, ce qui a valu à l’arbre son nom vernaculaire de Quinquina d’Europe.
Les usages alimentaires
Les toutes jeunes samares peuvent être consommées en salade ou à la façon des haricots verts. Elles peuvent également être confites à la manière des câpres. Pierre Lieutaghi indique qu’elles sont ainsi utilisées comme condiment en Angleterre. Il évoque aussi l’usage (en mélange) des feuilles séchées pour le thé, ce que confirme François Couplan [ livre Le régal végétal ] : les feuilles de Frêne élevé ont servi à adultérer le thé noir, particulièrement en Angleterre.
Samares de frêne confits au vinaigre (recette de Clothilde Boisvert)
Ingrédients : 1 bocal de samares / 1 litre d’eau salée / 1 bocal de vinaigre de cidre / 1 cuillerée de poivre en grains / 1 ombelle de fenouil
Recette : Cueillir des bouquets de samares très jeunes, encore tendres, presque translucides. Les faire macérer 1 heure dans l’eau salée. Disposer les grains de poivre au fond d’un bocal, puis une ombelle de fenouil et enfin les samares égouttées. Verser le vinaigre bouillant dans le pot. Boucher hermétiquement.
Autre recette de samares au vinaigre
Après avoir choisi des samares jeunes et tendres, on les fait bouillir dans plusieurs eaux successives (2 à 4), 20 minutes dans chaque eau, afin d’éliminer leur amertume. On les met ensuite dans un bocal avant de les noyer dans une préparation à base de vinaigre. Les samares se consomment alors deux mois après les avoir mis à macérer.
Recette de la Frênette
Pour compléter l’article ci-dessus sur la Frênette, et pour vous permettre de devenir à votre tour centenaire, voici une recette de Frênette (recette de Clothilde Boisvert) :
Ingrédients : Feuilles de frêne 120 g / Coriandre 30 g / Genièvre 30 g / Sucre candi 120 g / Acide tartrique 50 g / Eau de source 60 litre
Recette : Faire infuser les plantes 10 minutes dans quelques litre d’eau bouillante. Passer. Dissoudre dans un peu d’eau tiède l’acide tartrique et le sucre. Laisser refroidir. Mélanger les 2 liquides. Verser dans un tonneau. Ajouter le restant de l’eau. Laisser fermer environ 11 jours. Ensuite mettre en bouteille. La Frênette se conserve environ 6 à 8 mois.
Elle est juste magnifique cette cuillère!