Arbre à pain

Artocarpus altilis

Article réalisé en préparation d’un voyage de découverte des essences ligneuses présentent en Asie du Sud-Est (Cambodge, Laos, Vietnam).

Artocarpus altilis, plus communément appelé arbre à pain (en anglais breadfruit), est un arbre fruitier de la famille des Moracées (comme les figuiers, les mûriers ou le jacquier). Originaire de l’Insulinde (région indo-malaisienne) et/ou de Nouvelle-Guinée, il est aujourd’hui largement cultivé dans toutes les zones tropicales, particulièrement en Océanie (Polynésie, Mélanésie, Micronésie), dans la Caraïbe, en Afrique de l’Ouest et dans la ceinture intertropicale.

Artocarpus altilis, l’arbre à pain, s’impose comme une essence clé des régions tropicales, grâce à sa polyvalence et son importante valeur alimentaire. Son fruit riche en amidon constitue un aliment de base pour de nombreuses populations insulaires ou côtières, offrant une alternative aux céréales importées. Sur le plan ethnobotanique, l’espèce se révèle tout aussi captivante : son bois sert à construire des embarcations traditionnelles, à fabriquer des meubles ou des ustensiles, tandis que son latex et ses feuilles fournissent divers services médicinaux, artisanaux et culturels.

L’arbre à pain illustre la capacité d’adaptation d’une plante domestiquée à travers les migrations humaines, depuis la Préhistoire océanienne jusqu’aux colonies européennes. De nos jours, la recherche agronomique explore des voies de valorisation supplémentaires (farine, transformation industrielle), afin de répondre aux enjeux de sécurité alimentaire et de développement durable dans les pays tropicaux. Qu’il s’agisse de son bois, de ses fibres, de ses feuilles ou de sa pulpe, Artocarpus altilis est un emblème du potentiel qu’offrent les plantes équatoriales, reliant traditions ancestrales et innovations modernes.

Références bibliographiques et ressources consultées

Arbre à pain : connaissance et reconnaissance

Étymologie et taxonomie

Arbre à pain | Nomenclature et classification

  • Nom scientifique : Artocarpus altilis (Parkinson) Fosberg
  • Famille : Moraceae
  • Synonymes courants : Artocarpus communis J.R.Forst. & G.Forst., Artocarpus incisa L.f.
  • Noms vernaculaires : arbre à pain, fruit à pain, uru (Tahiti), ma’afala (Samoa), ‘ulu (Hawaï), pana (Caraïbe hispanophone), breadfruit (anglais).
  • Étymologie : « Artocarpus » vient du grec « artos » (pain) et « karpos » (fruit), c’est-à-dire « fruit de pain ». L’épithète « altilis » signifie « nourrissant », témoignant de la richesse calorique du fruit.

Arbre à pain | Les variétés et formes voisines

On retrouve de nombreuses variétés et formes cultivées (cultivars) d’arbre à pain à travers le monde. Certaines sont aploïdes (sans graines, dites « non séminifères »), tandis que d’autres produisent des graines comestibles (forme dite « castagnier** », Artocarpus camansi ou formes hybrides). Les variétés stériles sont souvent privilégiées pour la production de pulpe.

Distribution

Arbre à pain | Hypothèses sur l’origine

Plusieurs hypothèses situent l’origine première de l’arbre à pain en Nouvelle-Guinée ou dans les Moluques (Insulinde). De là, il aurait été transporté par les navigateurs austronésiens à travers la Polynésie et la Mélanésie, puis introduit en Asie du Sud-Est continentale et dans le sous-continent indien.

Arbre à pain | Introduction en Occident et en Afrique

  • Pacifique : L’arbre à pain constitue un aliment de base dans de nombreuses îles, comme Tahiti, les Samoa, Hawaï, etc.
  • Caraïbe : Au XVIIIᵉ siècle, le célèbre voyage du capitaine William Bligh (HMS Bounty) a popularisé l’introduction de l’arbre à pain dans les Caraïbes, pour nourrir les populations esclaves à moindre coût.
  • Afrique de l’Ouest, Madagascar : Introduit ultérieurement, il s’est bien adapté dans certaines régions côtières humides.

Identification

Arbre à pain | Port et morphologie générale

  • Taille : L’arbre à pain peut mesurer entre 10 et 25 m de hauteur, avec un tronc souvent droit et un houppier large et arrondi.
  • Écorce : Grise ou gris-brun, plus ou moins rugueuse, exsudant un latex blanc laiteux quand on l’incise.
  • Branches : Souvent basses et étalées, conférant une silhouette trapue mais étendue.

Arbre à pain | Feuilles

  • Type : Simples, alternes, très grandes (jusqu’à 50–60 cm de longueur), profondément lobées (7 à 9 lobes).
  • Texture : Cuirassée, brillante sur la face supérieure, plus claire et légèrement duveteuse sur la face inférieure.
  • Chute saisonnière : Partielle, selon le stress hydrique ou les conditions climatiques.

Arbre à pain | Fleurs

  • Sexes séparés sur le même arbre (monoïque) :
    • Fleurs mâles : en longs chatons cylindriques pendants, vert jaunâtre.
    • Fleurs femelles : regroupées en inflorescences rondes, à l’origine du fruit par coalescence.
  • Période de floraison : Variable selon les régions tropicales, souvent régulière tout au long de l’année en climat équatorial avec un pic saisonnier.

Arbre à pain | Fruits (syncarpe)

  • Aspect : Grosse infrutescence ovale ou ronde (pouvant atteindre 15 à 30 cm de diamètre), à l’épiderme vert puis jaunissant à maturité, parfois épineuse ou lisse.
  • Pulpe : Blanche ou jaunâtre, ferme et riche en amidon avant maturité, devenant plus douce et crémeuse en mûrissant.
  • Graines : Selon les variétés, absence de graines ou présence de graines marron. Dans certaines populations, on consomme ces graines grillées.

Illustrations

Crédits photos : 

  • https://fr.wikipedia.org/wiki/Arbre_%C3%A0_pain

Arbre à pain : Caractéristiques et usages du bois

Arbre à pain | Propriétés du bois

  • Densité : Relativement légère, environ 0,4 à 0,6 g/cm³ selon les provenances.
  • Couleur : Aubier jaune pâle à brun clair ; duramen peu distinct, parfois plus foncé.
  • Grain : Fin à moyen, fil souvent droit, texture homogène.
  • Résistance : Modérée ; le bois est assez tendre, toutefois plus résistant que celui du papayer ou du bananier, évidemment. Il est peu durable en extérieur s’il n’est pas protégé, et reste sensible à l’humidité prolongée et aux insectes xylophages.

Arbre à pain | Facilité de travail

  • Sciage et façonnage : Généralement aisés, compte tenu de la densité moyenne.
  • Séchage : Assez rapide, avec des risques limités de gauchissement, mais il faut prévenir l’apparition de moisissures en conditions très humides.
  • Finition : Se polit correctement, peut être peint ou verni.

Arbre à pain | Utilisations traditionnelles et contemporaines

  • Menuiserie légère : Meubles d’intérieur, cloisons, portes, charpentes légères, pirogues ou canots dans certaines îles du Pacifique.
  • Artisanat et sculpture : Production de statuettes, d’ustensiles de cuisine, d’objets décoratifs.
  • Bois de chauffe : Feu de bonne qualité, mais combustion rapide.
  • Construction navale polynésienne : Historiquement, le bois d’arbre à pain était largement utilisé pour la fabrication de pirogues, compte tenu de sa légèreté et de sa relative résistance, lorsqu’on le protégeait avec des huiles naturelles ou du latex.

Arbre à pain : Usages culinaires (fruit)

Arbre à pain | Valeur nutritionnelle

  • Macronutriments : Riche en glucides complexes (amidon), source d’énergie.
  • Fibres : Contient une proportion de fibres alimentaires appréciable.
  • Vitamines et minéraux : Variable selon le stade de maturité, mais on note un apport en vitamine C, potassium, calcium (modéré).

Arbre à pain | Modes de consommation

  • Avant maturité (légume) : Cuit à l’eau, à la vapeur, grillé, rôti au four, frit en beignets ou en chips (similaire à une pomme de terre tropicale).
  • À pleine maturité : Pulpe plus sucrée, consommée en purée, en dessert, ou intégrée dans des pâtes à gâteaux.
  • Transformations : Farine, semoule, crackers, chips, etc. Les innovations agroalimentaires se multiplient pour valoriser le fruit à pain.

Arbre à pain | Préservation

  • Conservation du fruit frais : Difficile, car il est périssable au-delà de quelques jours hors réfrigération.
  • Transformation artisanale : Séchage de la pulpe, fabrication de farine, ce qui permet de prolonger la durée de conservation.

Arbre à pain : Autres utilisations et aspects ethnobotaniques

Arbre à pain | Latex et résine

  • Latex : Utilisé comme colle naturelle (réparation de pirogues, colmatage).
  • Gomme : On peut en extraire une sorte de caoutchouc artisanal ou de la glu pour pièges à oiseaux.

Arbre à pain | Feuilles, écorce et médecine traditionnelle

  • Feuilles : Décoctions ou infusions dans certaines pharmacopées pour traiter l’hypertension, la toux, ou les problèmes de peau (effets supposés).
  • Écorce : Les fibres internes peuvent servir à fabriquer des étoffes (tapa) en Polynésie.
  • Sève : Parfois employée pour traiter de petites plaies ou inflammations cutanées.

(NB : L’efficacité médicale est peu documentée dans la littérature scientifique, la plupart de ces usages relevant de traditions orales.)

Arbre à pain | Rôle culturel et symbolique

  • Océanie : L’arbre à pain a une importance socio-culturelle majeure. Dans certaines îles, il est lié à des mythes de création, à la prospérité et à la cohésion communautaire.
  • Caraïbes : Introduit comme solution alimentaire, il fait désormais partie intégrante de la cuisine locale (sous forme de “pain boisé” à la Martinique et en Guadeloupe, par exemple).

Arbre à pain | Anecdotes et faits historiques

  1. Mutinerie du Bounty (1789) : L’introduction de l’arbre à pain dans les Caraïbes est intimement liée à l’histoire du capitaine William Bligh, qui désirait acclimater cette ressource pour nourrir les esclaves.
  2. Rôle dans la migration polynésienne : Les navigateurs polynésiens transportaient des plants d’arbre à pain (avec la banane et le taro) pour s’établir durablement sur de nouvelles îles.
  3. Arbre polyvalent : Le botaniste Joseph Banks l’avait qualifié de « cadeau pour l’humanité » en raison de sa capacité à produire de la nourriture à faible coût tout en offrant un bois utile.