Cette cuillère en bois d’Alisier blanc a été assez facile à sculpter ! L’alisier blanc a un bois qui, bien que dur et dense, est très homogène, avec un grain fin. Idéal pour la sculpture au couteau. Le bois est assez souple, ce qui m’a permis d’affiner le manche (3 mm d’épaisseur). Le toucher est très doux. La cuillère a été protégée à l’huile de lin. Le bois sans traitement est blanc crème. Sur les photos, la cuillère en bois d’alisier est posée sur un tronçon de la branche dans laquelle elle est sculptée. L’idée était ici d’exploiter toute la hauteur possible pour obtenir une cuillère avec une jolie courbure de manche. La branche provient d’une coupe, en lisière de forêt, sur le versant nord du Val Suzon, près de Dijon en Bourgogne.
Cette cuillère en Alisier blanc est la 19e sculptée pour mon défi consistant à tailler autant de cuillères différentes qu’il y a d’essences d’arbres répertoriées dans la flore forestière française.
Parmi les proches parents de l’Alisier blanc, au sein du genre Sorbus, j’ai déjà récupéré ou sculpté :
Le site Monumentaltrees présente quelques recordtrees parmi les Alisiers blancs :
Ces « records » semblent contredits par d’autres sources, notamment ci-après la référence de Michel Brunner en Suisse.
Le site Les Têtards arboricoles évoque un Alisier blanc présent sur la ferme fortifiée du Choizal, sur le Causse de Sauveterre en Lozère (photo ci-contre à droite). S’il n’est pas exceptionnel par ses dimensions (2,45 mètres de circonférence), il l’est par son environnement : 1000 mètres d’altitude, une terre pauvre et un climat rude, avec des hivers glacés et des étés caniculaires.
Un autre très bel Alisier blanc est présenté sur le site Monumentaltrees, il est situé le long du D9 à Saint-Laurent-de-Trèves en Lozère. Il est étonnamment incliné, a une belle écorce blanchie par la présence de lichen ou mousse (?) qui souligne bien son nom, et présente une circonférence de 2,10 mètres (photo ci-contre à gauche).
Michel Brunner [ livre Arbres géants de Suisse ], indique que les plus vieux alisiers blancs de Suisse se trouvent sur le Chasseral, dans la commune de Nods. L’un de ces arbres possède une circonférence de tronc de 4,65m pour un âge estimé à 250 ans.
L’Alisier blanc (Sorbus aria) est également nommé Alisier de Bourgogne, Alouchier ou Sorbier des Alpes. Le nom alisier dérive de alise, le nom des baies de l’arbre. Sorbus viendrait du latin Sorbere, boire bruyamment. Alba signifie blanc. Henriette Walter et Pierre Avenas [ livre La majestueuse histoire du nom des arbres ] explique différemment l’origine de Sorbus : Le fruit du sorbier, en latin sorbus, est la sorbe, dont le nom est issu du bas latin sorba, pluriel, pris pour un féminin, du latin sorbum, qui possiblement remonte à une racine ancienne désignant la couleur rouge.
Il a un caractère plus montagneux que l’Alisier torminal et peut s’élever en montagne jusqu’à la limite de la végétation. De ce fait, s’il est disséminée un peu partout en France, il se rencontre surtout dans l’Est (montagneux) et est absent de l’Ouest et rare dans le Midi. Comme l’indique Wikipedia, l’Alisier blanc apprécie les zones de rochers, rocailles, bois secs, les chênaies pubescentes, hêtraies sèches, forêts collinéennes à tendance sèche, pineraies, fruticées, les forêts acidiphiles submontagnardes et montagnardes, à la limite de la forêt.
En Europe, l’Alisier blanc est présent du sud de l’Espagne jusqu’au 66° de latitude nord en Norvège, à l’Est jusqu’en Macédoine et Transylvanie.
C’est un arbre de 3 à 20 mètres, au tronc droit à houppier ovoïde. L’écorce est grise et reste lisse ou légèrement fissurée. Feuilles alternes, ovales, irrégulièrement dentées, vert-gris et luisantes dessus, tomenteuses blanches dessous (couvertes de poils fins, d’un duvet). Pierre Lieutaghi [ Le livre des arbres, arbustes & arbrisseaux ] suggère qu’il n’existe pas une mais plusieurs espèces voisines et difficiles à discerner. Il évoque un polymorphisme foliaire étonnant au sein même de l’espèce Alisier blanc, ainsi que l’existence de sous-espèces comme Sorbus aria ssp. tomentosa observée dans les Alpes du Sud.
Un comparatif des feuilles des trois alisiers (Alisier blanc, Alisier torminal et Alisier de Fontainebleau) est disponible sur la page présentant la cuillère en Alisier blanc.
Michel Brunner parle en ces termes de l’Alisier blanc : Grâce à la face inférieure de ses feuilles, blanche et feutrée, qui étincellent d’une lumière d’argent dans le vent, l’Alisier donne une structure vivante aux lisières de forêt. Sa coloration d’automne rouge saumon-orange et son écorce brune à gris argenté, qui reste lisse même avec l’âge, sont également fascinantes.
Que dit la Flore forestière française à propos de l’Alisier blanc ? Bois très dur et dense, à grain très fin, très homogène, blanc mat, légèrement rosâtre, devenant chez les arbres âgés rougeâtre veiné de brun ; aubier non distinct. Bois utilisé comme les autres espèces de sorbier, quoique jouissant d’une moindre réputation (peut être simplement à cause des dimensions généralement plus faibles des tiges) : fabrication d’outils et, autrefois, de pièces de machines résistant aux frottements : bois de tour ; particulièrement apprécié pour les manches de haches (…).
Pierre Lieutaghi complète cette description en indiquant que le bois d’Alisier blanc prend un assez beau poli, reçoit bien la teinture, qu’il était autrefois le bois le plus estimé des bois indigènes pour la fabrication des vis de pressoir, des chevilles et des pièces soumises aux tensions et aux frottements dans les roues des moulins. Les tourneurs en font des boîtes à poudre et à savonette, des flûtes, des instruments divers…
A ce propos, je vous conseille ce très beau reportage de l’émission suisse Passe-moi les jumelles : Une rencontre de bûcherons et forgerons passionnés : De bois et d’acier, qui évoque le travail conjoint d’un forgeron et d’un bûcheron dans la fabrication de haches à l’ancienne pour perpétuer l’art ancestral du bucheronnage. Les manches sont en Alisier, comme de bien entendu !
Les alises de l’Alisier blanc et de l’Alisier torminal sont comestibles mais amères et astringentes à l’état cru. Elles perdent néanmoins de leur âpreté après les premières gelées et deviennent mangeables crues lorsqu’elles sont blettes. Néanmoins, elles restent fades et farineuses et ne se prêtent réellement qu’à la confection de gelées ou de confitures, si possible en complément d’un autre fruit plus savoureux (pommes ou cynorrhodons par exemple). Pascal Gérold [ livre Les arbres nourriciers ], précise que les pépins (à l’instar de ceux de nombreux arbres de la famille des Rosacées) ne doivent pas être ingérés car ils contiennent de l’acide cyanhydrique. Les alises font cependant d’excellentes confitures, gelées et compotes. Pascal Gérold partage ses astuces pour le ramassage des alises :
Les fruits sont également utilisés en distillerie pour la réalisation d’eau de vie. Les anglais fabriqueraient une bière spéciale avec ces fruits. Enfin, Pierre Lieutaghi indique que, en temps de disette, les fruits étaient séchés, pulvérisés et mêlés au pain. Cet usage ancien s’applique à de nombreux autres fruits sauvages.