Cuillère en bois d’Alisier de Fontainebleau (Sorbus latifolia)
L’Alisier de Fontainebleau étant rare en Côte-d’Or, il m’a fallu dénicher un pied mort (photo ci-contre) pour ne pas porter atteinte aux rares peuplements du département. Le prix à payer pour pouvoir sculpter une cuillère en bois d’Alisier de Fontainebleau est donc de devoir composer avec toutes les petites bêtes qui ont mangé le bois avant moi ! Exercice délicat, voire impossible, car il reste encore des traces du passage de cette microfaune qui, comme moi, se passionne pour la sculpture. Le pied se trouvait entouré de ses congénères bien vivants et bien portants à proximité de la Roche Aigüe sur la commune de Saulx-le-Duc (Côte-d’Or).
[ngg src= »galleries » ids= »57″ display= »basic_thumbnail »]
Dans la famille Rosaceae, genre Sorbus, je demande…
Cette cuillère en bois d’Alisier de Fontainebleau est la 37e sculptée pour mon défi consistant à tailler autant de cuillères différentes qu’il y a d’essences d’arbres répertoriées dans la flore forestière française.
Parmi les proches parents de l’Alisier torminal, au sein du genre Sorbus, j’ai déjà récupéré ou sculpté :
- une cuillère en Alisier blanc (Sorbus aria) ;
- une cuillère en Alisier torminal (Sorbus torminalis) ;
- une branche de Sorbier des oiseleurs (Sorbus aucuparia).
Mais il me reste encore à trouver deux autres espèces :
- le Cormier (Sorbus domestica) ;
- l’Alisier de Suède (Sorbus intermedia).
Alisiers de Fontainebleau remarquables
Alisiers de Fontainebleau remarquables en Europe
Le site Monumentaltrees présente moins d’une dizaine d’alisiers de Fontainebleau remarquables, situés en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas :
- le plus vieux serait né en 1907 et vivrait dans le parc du Borde Hill à Haywards Heath (West Sussex) au Royaume-Uni (photo ci-contre) ;
- le plus grand atteindrait 21,60 mètres, également au Royaume-Uni, dans le parc du Newby Hall à Newby Hall (North Yorkshire) ;
- le plus épais (4,10 mètres de circonférence) vivrait lui en Allemagne, à l’est de Dahlen à Gräben Dahlen (arrondissement de Potsdam-Mittelmark).
Alisiers de Fontainebleau remarquables en Bourgogne
Alain Desbrosse [ livre Les arbres remarquables de Bourgogne – Tome 2 ], présente deux stations en Côte-d’Or. Celle de Saulx-le-Duc, d’où provient cette cuillère, ainsi que la station de Corcelles-les-Monts, toujours en Côte-d’Or, qui héberge un bel alisier âgé de 120 ans, de 20 mètres de hauteur pour un diamètre de 60 centimètres. L’auteur précise que l’Alisier de Fontainebleau fait partie des 4 espèces d’arbres protégés en Bourgogne, avec le Merisier à grappes, l’érable de Montpellier et le Saule rampant. Cet alisier est également protégé à l’échelle nationale (suivant l’Arrêté du 20 janvier 1982).
Connaitre et reconnaitre l‘Alisier de Fontainebleau
Etymologie
L’Alisier de Fontainebleau est également nommé Sorbier à grandes feuilles et Élorsier. Le nom alisier dérive de alise, le nom des baies de l’arbre. Sorbus vient du latin Sorbere, boire bruyamment. L’adjectif latin latifolia doit signifier large feuille…
Identification
Petit arbre généralement considéré comme une espèce hybride dite fixée, croisement de l’Alisier torminal (Sorbus torminalis) et de l’Alisier blanc (Sorbus aria). Son écologie est proche de celle de ces deux espèces.Il serait facile à confondre d’un autre hybride (instable) entre S. torminalis et S. aria : Sorbus x confusa. La page Wikipedia indique une autre source de confusion possible : il peut être confondu avec l’alisier de Suède qui est fréquemment planté dans les parcs, les jardins et le long des rues. Les feuilles de l’alisier de Suède sont plus blanches en dessous, avec des lobes plus arrondis et plus réguliers le long du limbe, et des nervures moins serrées, tandis que ses fruits sont plus rouges.
Les critères d’identification de l’Alisier de Fontainebleau, par rapport aux deux autres alisiers (blanc et torminal) sont :
- forme générale de la feuille (en passant par les pointes des lobes) correspondant à Sorbus aria donc très arrondie.
- les deux lobes basaux marqués comme chez Sorbus torminalis mais moins profondément incisés que chez ce dernier. Toutefois, ils se distinguent bien du reste de la feuille (détail peu marqué sur la flore forestière).
- les autres lobes donnant, sur la feuille, plus un aspect de double dentition. Pour ce qui est de la coloration, elle est très proche de Sorbus aria, vert foncé mat dessus et blanc duveteux dessous.
- Les fruits sont rouges brunâtres.
A l’exception du dernier, ces critères sont clairement identifiables sur les illustrations de la Flore forestière française reproduits ci-dessus.
Distribution
Wikipedia indique : L’Alisier de Fontainebleau est une espèce rare et disséminée dans les massifs forestiers, endémique du bassin parisien et qui est protégée au niveau national en France (…) Sa forte concentration sur une partie du Plateau d’Avron a d’ailleurs justifié la protection de cette zone grâce à un Arrêté de Protection de Biotope, sous le nom du Biotope des Alisiers. Pierre Lieutaghi [ Le livre des arbres, arbustes & arbrisseaux ] donne la répartition suivante : croit dans les forêts des environs de Paris à la Lorraine, toujours rare et disséminé ; signalé dans les Vosges, l’Yonne, la Nièvre.
Sur le blog Les Abbesses de Gagny-Chelles, une belle station protégée (ZNIEFF) est présentée : la carrière du Beauzet est la plus grande station de cet arbre en dehors de la forêt de Fontainebleau (…) Bien plus que l’Alisier torminal, Cet arbre est très exigeant au niveau de la nature des sols : marnes, gypses ou calcaire de Brie dans l’Est Parisien, grès à Fontainebleau, ces sols sont très minéraux, plutôt secs et sans humus. Les jeunes plants n’apparaissent qu’en plein soleil au sein des pelouses et des broussailles.
Le mystère de Fontainebleau
Greg Clouzeau, du site FontaineBleau Passion, émet une hypothèse différente quant à la nature hybride de l’Alisier de Fontainebleau. Loin d’être cantonnée à cette fameuse forêt proche de Paris, il se pourrait, selon lui, que c’est une espèce à part entière présente du Portugal à l’Allemagne et serait même plus présente que ces parents ! A priori, les discussions sur cet espèce ne datent pas d’hier, l’auteur évoquant des discussions animant le site Tela Botanica dès 2001. Le site du Conservatoire botanique national du Bassin parisien indique : Espèce endémique de l’ouest de l’Europe, essentiellement de l’Allemagne du sud et du sud de la Belgique à l’Espagne et au Portugal (disséminée et rare dans le nord, surtout Pyrénées et monts Cantabriques !).
Le bois de l’Alisier de Fontainebleau et ses usages
Que dit la Flore forestière française à propos de l’alisier ? Que c’est un bois très homogène, dense à très dense, dur, à aubier jaunâtre à blanc rougeâtre virant au brun-noir à l’air et à la lumière (…) bois se travaillant bien, prenant un beau poli, stable une fois mis en service ; bois très apprécié, ressemblant à celui du poirier, résistant aux frottements, utilisé autrefois en pièces de machines, navettes, ris, dents d’engrenage, rouleaux, pièces de pressoir, quilles, robinets peignes et merrains pour eaux de vie blanches.
Le livre cite divers usages actuels (lutherie, queue de billard, ébénisterie, tabletterie, crosses de fusils, bois de sculpture…) et indique que c’est aussi un très bon bois de feu ; excellent charbon de bois.
Un peu d’ethnobotanique
Les alises de l’Alisier de Fontainebleau (également nommées alosses), comme celles de l’Alisier blanc et de l’Alisier torminal, sont comestibles mais amères et astringentes à l’état cru. Elles perdent néanmoins de leur âpreté après les premières gelées, comme les sorbes, et deviennent mangeables crues lorsqu’elles sont blettes. Néanmoins, elles restent fades et farineuses, moins goûteuses que les sorbes, et ne se prêtent réellement qu’à la confection de gelées ou de confitures, si possible en complément d’un autre fruit plus savoureux (pommes ou cynorrhodons par exemple). Pascal Gérold, dans son livre Les arbres nourriciers, précise que les pépins (à l’instar de ceux de nombreux arbres de la famille des Rosacées) ne doivent pas être ingérés car ils contiennent de l’acide cyanhydrique. Les alises font cependant d’excellentes confitures, gelées et compotes. Pascal Gérold partage ses astuces pour le ramassage des alises :
- choisir des alisiers en lisières forestières, car ceux-ci développent des branches basses plus accessibles pour la cueillette ;
- ne pas hésiter à ramasser les alises au sol, elles seront bien mûres, sachant que la cuisson supprimera tout risque de contracter une parasitose.
Bonjour
Je suis tombé par hasard sur votre page qui est une des plus juste sur l’Alisier de Fontainebleau.
Nous avons à l’ANCA beaucoup étudié cette espèce aussi bien dans nos sites de l’Est parisien, où on en a plus de 200, qu’à Fontainebleau
Les fruit sont gros comme une olive avec des lenticelles, orangés brunâtre pas rouges
Il faut regarder les plus grandes feuilles du rameaux :
La base des feuilles des plus typiques est perpendiculaire au pétiole (voir flore forestière)
Les 2 lobes du bas sont les plus grands, la plus grande largeur dans le 1/3 du bas
A Fontainebleau on trouve aussi d’autres formes de feuilles qui sont probablement des hybrides: Sorbus X torminaloides (latifolia x torminalis) et des hybrides avec aria
latifolia est diploide et sexuellement fertile: la preuve il donne des hybrides
Les taxons ailleurs en Europe rattachés à latifolia ne sont pas forcément identique à ceux de Fontainebleau même si certains ressemblent aux hybrides latifolia avec aria
Dans de grandes parties (voire la moitié) de Fontainebleau cette espèce est totalement absente: Hêtraie des plateaux sur humus profond, Chênaie plate sur argile humide, chênaie pinède sur sable profond meuble.
En bref on l’y trouve surtout sur le bord des collines de calcaire ou de grès et dans les chênaie sèches plates. Pour les arbres l’accompagnant c’est surtout Chêne pédonculé, pins sylvestre, hêtre, houx.
Souvent les forets d’IDF ayant plusieurs sps de Sorbus et le néflier et le pommier sauvage ont de fortes chance d’avoir aussi quelques latifolia